Préface
C’est
pour moi un grand honneur, et un plaisir tout particulier, de parler du beau
livre de mon ami, Constantin Salavastru. Sa réflexion constitue un très bel
exposé de ce qu’a apporté et de ce que permet comme analyse la
problématologie. Celle-ci vise à refonder la philosophie sur la notion
de questionnement, et à substituer au monopole de la proposition ou du
jugement, une nouvelle unité, celui du couple question-réponse. Il faut dire
que le propositionnalisme s’est trouvé épuisé au XIXe
siècle, faute d’un fondement adéquat, capable de remplacer le primat de la
conscience cartésienne. L’Etre heideggérien, vide comme la civilisation
qu’il décrie, n’a pas suffi. Entre la science, qui a une vision résolutoire
du questionnement, et le nihilisme, qui pensait qu’on ne pouvait plus rien
dire, si ce n’est cela, la problématicité a frappé l’ordre propositionnel de
toutes parts. Le questionnement est le nouveau fondement de la raison, au-delà
de ses oppositions traditionnelles, comme celle de la science et de la
métaphysique, comme il l’élargit à une dimension insoupçonnée et abolie
depuis Socrate. Entre Socrate, qui interroge sans répondre, et Platon, qui
répondra de plus en plus sans interroger, une troisième voie est possible.
L’ouvrage de
Constantin Salavastru reprend l’enquête sur l’interrogation en y
introduisant une notion importante, celle de situation problématologique,
où le factuel prime sur le conceptuel. Il nous plonge dans de merveilleuses
analyses sur le raisonnement et la science, sur la spécificité du champ
philosophique et sur l’apport de l'argumentation comme du raisonnement. Il
se livre, dans une seconde partie, à de brillantes études d'application, sur
Platon, Spinoza et Heidegger. J’ai beaucoup appris en les lisant. Ciselées
et profondes, elles sont fort éclairantes de par l’approche tout à fait
originale qui est la sienne.
Ce que
Salavastru illustre en fin de compte est le caractère radicalement nouveau
de la problématologie comme grille de lecture de l’histoire de la
philosophie. A ce titre, son livre est appelé à demeurer comme une étape
décisive dans le tournant de pensée qui doit nous porter des réponses vers
les questions qui les sous-tendent.
Michel
Meyer
Professeur à l’Université libre de Bruxelles
|